Peut-on automatiser la prospection des grands comptes ?

Quand il s’agit de démarcher les directions des grandes entreprises, notre premier réflexe est de vouloir faire du sur-mesure. Les expériences sur le terrain montrent que l’approche automatisée est bien plus adaptée.

 

Le sur-mesure de la prospection

Si la prospection est généralement une activité particulièrement anxiogène pour les commerciaux, il est humain que la plupart d’entre eux cherche de bonnes raisons pour l’éviter.

Entre les faux rendez-vous entrés dans le CRM *, les notes de restaurant factices *, et les activités de networking trop souvent improductives, il est devenu notoire que “capter l’attention d’un grand décideur” est une activité cryptique mêlant art divinatoire et maîtrise secrète des recommandations. S’en suivent des séries d’actions de prospection toutes incapables d’être mesurées (du déjeuner d’affaires au congrès local, en passant par le partage d’articles à la sauce social selling). En clair, le sur-mesure pour le prospect, et le trou noir pour le directeur commercial qui doit anticiper les affaires qui seront signées le mois prochain...

Le bon sens nous dit que les décideurs des grandes entreprises sont plus difficiles à joindre que ceux des PME. Plusieurs études nous montrent qu’il faut en moyenne entre 8 et 12 tentatives pour joindre un prospect.

Pour autant, faut-il forcément s’interdir l’automatisation pour capter leur attention ?

“ S’il faut 8 tentatives en moyenne pour joindre un prospect, combien y en faut-il pour capter l’attention du décideur d’une grande entreprise ? ”

 

Le choix entre manuel/automatisé dépend de la facilité pour joindre le prospect

Plusieurs cas d’entreprises qui attaquent ce type de grand décideur montre que c’est justement parce qu’il est injoignable qu’il faut automatiser la prise de contact.

Prenons l’exemple d’Agorize. Agorize vend des challenges d’innovation en ligne pour que les grandes entreprises puissent organiser des évènements de compétition pour des étudiants, des salariés, des hackatons de développeurs, etc. Ses cibles prioritaires sont les grandes entreprises comme Google, Microsoft, Airbus ou la SNCF. Et dans ces entreprises, ses interlocuteurs sont assez variés : directeurs marketing, DRH, directions de l’innovation ou de la communication. Parfois aussi des DSI, donc autant dire autant de décideurs sur-démarchés, sur-occupés et injoignables...

Ses neuf commerciaux attaquent principalement les Etats-Unis, l’Allemagne et la France. Jusqu’ici, pour attaquer ces grands décideurs, la prospection était conduite de manière traditionnelle : listes de comptes nommés, construction de listes de prospection hyper qualifiées, recherches dans les organigrammes, analyse des filiales… et, bien sûr engagement des prospects manuel et sur-mesure.

Pour atteindre ses objectifs d’acquisition clients, Aurélie Wen, la directrice marketing d’Agorize faisait face à deux obstacles majeurs : créer la curiosité pour capter l’attention de ces décideurs, et pouvoir leur parler au bon moment lorsque des projets d’évènements se dessinent. Pour des questions d’efficacité commerciale, et pour maîtriser la montée en puissance de sa prospection, Aurélie a tenté le choix de l’automatisation :

Aurélie Wen, Directrice Marketing d'Agorize

 

L’automatisation pour prospecter les DRH ou les DSI

Autre exemple d’une société qui a basculé d’une approche de prospection traditionnelle vers une approche automatisée : la société Opensourcing est positionnée sur le marché très concurrentiel du sourcing de candidats. Cinq prospecteurs basés à Paris. Ses interlocuteurs naturels sont les responsables de recrutement, dans des PME et des grands comptes, mais les équipes de prospection de la société peuvent aussi cibler directement des directions des ressources humaines (DRH), ou même des directions opérationnelles ou métiers.

Les DRH sont non seulement parmi les décideurs les plus prospectés d’une entreprise, mais ils sont également parmi les plus occupés, constamment en réunion, en déplacement sur les sites et dans les filiales du groupe, et ils vont rarement dans les conférences ou les salons.

Les appeler au téléphone ?

1/ ils ne sont jamais derrière leur bureau, et
2/ les réceptionnistes ne passent pas les appels extérieurs, de peur que des candidats essaient de contourner le processus de recrutement.

Jusqu’en 2015, les cinq prospecteurs d’Opensourcing ont été des stars de la prospection par téléphone. Mais face aux maigres résultats obtenus avec tant d’énergie, son directeur général a décidé de changer radicalement son approche pour construire des scénarios d’emails lui permettant à la fois de capter l’attention de ces grands décideurs avec un minimum d’efforts, mais aussi différencier sa proposition de valeur sur un marché ultra-concurrentiel.

Même si la plupart de leurs rendez-vous arrivent automatiquement dans leur messagerie, ses prospecteurs passent toujours des appels téléphoniques, mais uniquement sur des prospects intéressés. (lire l’histoire d’Opensourcing)

 

Automatiser sur des prospects entrants ?

 

Certaines équipes de prospection pensent qu’elles ont la chance d’avoir un bon flux de prospects entrants (inbound). Pourtant, quand il s’agit d’attaquer des décideurs de grandes entreprises, la conversion peut être décevante. Les prospects entrants sont généralement trop bas dans la hiérarchie, ce qui nécessite de faire un travail parfois laborieux pour remonter vers le décideur. Cette déperdition d’énergie (approche bottom-up) ne rend pas toujours l’inbound plus efficace que l’outbound sur ces catégories de prospects.

Mazeberry vend un logiciel décisionnel pour les directions marketing et les responsables e-commerce des grands commerçants (Sarenza, Boursorama, 3Suisses, ou Jennifer par exemple). Si 80% de leurs leads viennent à eux, il est essentiel pour l’équipe de prospection d’aller chercher les vrais décideurs dans ces entreprises où les équipes de marketing sont pléthoriques. Décrocher son téléphone, envoyer des emails… Même en utilisant des modèles (templates) bien calibrés, seuls 10% des prospects que Mazeberry cible alors acceptent un vrai rendez-vous de qualification.

En automatisant la prise de contact avec des scénarios d’emails, l’équipe de prospection de Mazeberry a pu multiplier son taux de prise de rendez-vous par 2.5 (sur 100 prospects ciblés, 25 acceptent automatiquement un RdV), tout en permettant à son équipe de traiter davantage de prospects chaque jour.

Le choix de la technique de prospection dépend essentiellement de la typologie de décideurs que l’on attaque, et donc de son degré de disponibilité. Les personnes les plus difficiles à joindre sont donc les plus à même de réagir à une approche par scénarios, moins intrusive que les interruptions téléphoniques, plus respectueuse de leur timing/agenda, et permettant de susciter leur curiosité plutôt que de leur promouvoir nos solutions un peu brutalement.

Pour les responsables commerciaux, la mise en place d’une mécanique d’automatisation pour déclencher des RdV va bien au-delà des performances : il s’agit de mieux contrôler et anticiper le pipeline, savoir où investir et quand recruter des prospecteurs, et recentrer les compétences de l’équipe de prospection sur la qualité des rendez-vous.